Fibrillation atriale : Ralentir ou réduire ? Réduire rapidement!
Depuis plus de quinze ans, la question de contrôle du rythme ou de la fréquence de la fibrillation atriale (FA) avait été réglée par l’étude AFFIRM(1). En effet, cette étude n’avait pas trouvé de différence de morbi-mortalité entre les 2 attitudes.
Cependant, la prise en charge moderne de la FA a beaucoup changé en quinze ans. Le diagnostic précoce, la compréhension des facteurs de risque (sport d’endurance en excès, surpoids, apnée du sommeil) les anticoagulants oraux direct et surtout l’ablation ont changé la donne.
En suivant les recommandations, le contrôle du rythme était généralement retardé à moins que les patients ne présentent des symptômes persistants avec un contrôle de fréquence par ailleurs efficace.
Ceci était contradictoire avec la physiopathologie de la FA. En effet, la FA est une affection évolutive qui entraine un remodelage atrial croissant avec la durée de l’arythmie. Aucune étude d’envergure ne s’était réellement penchée sur le bénéfice apporté par une prise en charge précoce.
L’étude EAST- AFNET 4 présentée lors d’une session Hot Line au Congrès ESC 2020 et publiée dans le NEJM(2) reprend l’adage médical : « the sooner the better » à la faveur de la FA.
Cet essai thérapeutique contrôlé randomisé a recruté 2789 patients atteints de FA précoce (diagnostiquée il y a moins d’un an) et au moins 2 problèmes cardiovasculaires (se rapprochant d’un score CHA₂DS₂-VASc≥ 2) sur 135 sites dans 11 pays entre 2011 et 2016.
Les patients ont été randomisés en 1:1 entre :
– un bras « contrôle du rythme précoce» soit médical soit interventionnel
– un bras « prise en charge habituelle » par contrôle de la fréquence
Les patients des deux groupes devaient être traités au selon les recommandations pour affections cardiovasculaires sous-jacentes, l’anticoagulation et le contrôle de la fréquence. A noter 30% de patients asymptomatiques.
Le critère de jugement principal était un composite de décès cardiovasculaire, d’accident vasculaire cérébral et d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque ou du syndrome coronarien. Ce sont donc des critères « durs » de jugement et non discutables ; sur un suivi de 5 ans.
– Tout d’abord : coup de chapeau aux investigateurs !! Très peu de perdus de vue (7,5%) et très peu de cross-over (5%). On se rappelle du taux de cross-over inacceptable de 25% (!!!) dans l’étude CABANA(3).
– Ensuite le contrôle du rythme fonctionne! A 2 ans, on retrouve 82% de maintient en rythme sinusal dans le bras « contrôle du rythme précoce » contre 61% dans le bras « prise en charge habituelle ».
– Résultat principal : contrôler le rythme précocement réduit la morbi-mortalité. Le critère de jugement principal est survenu moins souvent chez les patients « contrôle du rythme précoce » (hazard ratio [HR] 0,79; intervalle de confiance [IC] 0,67-0,94; p = 0,005). La réduction du risque absolu avec un contrôle précoce du rythme était de 1,1% par an.
– Le nombre cumulé de jours d’hospitalisation est similaire dans le 2 bras.
– Enfin, on est rassuré sur la sécurité pour le patient. La toxicité des antiarythmiques est de 0.7% et les effets indésirables majeurs de l’ablation de 0.6%.
On retiendra donc que le contrôle précoce du rythme est associé à une diminution de la morbi-mortalité de 20% à 5 ans chez les patients en FA (même asymptomatique) pourvu qu’il existe 2 affections cardiovasculaires sous-jacente. Plus que réduire, il faut réduire précocement pour impacter sur le pronostic de ces patients.
1: N Engl J Med 2002;347:1825-33.
2: N Engl J Med 2020; DOI/10.1056/NEJMoa2019422
3: JAMA 2019;321(13):1261-1274 doi:10.1001/jama.2019.0693